La Lectio Divina

La lectio divina est l’une des pratiques spirituelles les plus anciennes et les plus caractéristiques de la tradition monastique. Elle désigne une manière de lire l’Écriture non pas pour l’étudier comme un document, mais pour l’accueillir comme une parole vivante adressée à celui qui la lit.

 

Le terme lui-même signifie « lecture divine » ou « lecture sacrée », et il exprime l’attitude fondamentale de disponibilité intérieure qui permet à la Parole de Dieu de descendre dans le cœur. Dans la tradition bénédictine, la lectio divina n’est pas une activité parmi d’autres, mais un véritable lieu de rencontre avec Dieu, un espace où le moine se laisse façonner, purifier et éclairer par la voix du Seigneur.

 

Pour les moines bénédictins, la lectio divina est un pilier de la vie quotidienne. Saint Benoît, dans sa Règle, n’emploie pas l’expression elle-même, mais il consacre de nombreux passages à ce qu’il appelle la « lectio », qu’il place au cœur de l’emploi du temps monastique. Il prévoit chaque jour des heures réservées à cette lecture méditative, particulièrement durant l’hiver où les journées sont plus courtes. La lectio n’est pas une lecture rapide ou intellectuelle, mais un acte lent, humble, souvent silencieux, où le moine lit un passage, le rumine, le laisse résonner, puis le porte dans la prière.

 

Elle se prolonge naturellement dans l’oratio et la contemplatio, même si ces termes ne sont apparus que plus tard dans la tradition spirituelle. La manière concrète de pratiquer la lectio varie selon les communautés, mais elle garde toujours ce caractère de lenteur, de disponibilité et d’écoute attentive.

Les oblats séculiers, unis spirituellement à un monastère tout en vivant dans le monde, sont eux aussi invités à pratiquer la lectio divina. Elle fait partie de leur manière de participer à la vie bénédictine et de laisser la Parole de Dieu imprégner leur quotidien. Bien sûr, ils ne disposent pas du même temps que les moines, mais la tradition bénédictine ne mesure pas la valeur de la lectio à la quantité de minutes consacrées, mais à la qualité de l’attention intérieure.

 

Beaucoup d’oblats choisissent un moment fixe dans la journée, souvent le matin ou le soir, pour lire un passage de l’Écriture, le méditer et en tirer une lumière pour leur vie familiale, professionnelle ou apostolique. La lectio devient alors un fil conducteur qui relie leur vie au Christ et les unit spirituellement à la communauté monastique.

La lectio divina est pratiquée depuis les premiers siècles du christianisme. Les Pères du désert, puis les grands auteurs monastiques comme Cassien, Origène ou saint Jérôme, en ont posé les fondements. Saint Benoît, au VIᵉ siècle, en a fait une dimension essentielle de la vie monastique, en lui donnant un cadre régulier et en l’intégrant dans la journée du moine.

 

L’obligation de la lectio n’est pas une contrainte extérieure, mais une intuition spirituelle profonde : pour vivre de Dieu, il faut écouter Dieu. La Règle de saint Benoît ne cesse de rappeler que le moine est un homme qui « écoute », et la lectio est l’un des lieux privilégiés de cette écoute.

Cette pratique n’a jamais cessé d’être actuelle. Elle a traversé les siècles, parfois avec plus ou moins d’intensité selon les époques, mais elle n’a jamais disparu. Au XXᵉ siècle, elle a même connu un renouveau remarquable, encouragé par le mouvement liturgique, par le Concile Vatican II et par de nombreux maîtres spirituels. Aujourd’hui encore, dans les monastères bénédictins comme dans la vie des oblats, la lectio divina demeure un chemin sûr pour entrer dans une relation vivante avec la Parole de Dieu.

Elle n’est pas un exercice réservé à quelques spécialistes, mais une manière simple et profonde de laisser Dieu parler au cœur. Sa force réside dans sa simplicité : lire, écouter, accueillir, laisser la Parole transformer la vie. C’est pourquoi elle reste, plus que jamais, une pratique vivante, actuelle et féconde.

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