La Sainte Epine
L’histoire du chevalier Raoul :
La tradition de Solesmes raconte qu’à l’époque de la première croisade, un chevalier nommé Raoul parfois appelé Rodolphe appartenant à la famille des seigneurs de Sablé, rapporta de Terre sainte une relique de la Passion du Christ : une Épine provenant de la couronne posée sur la tête du Seigneur lors de sa Passion.
Ce chevalier était un descendant de Geoffroy, fondateur du monastère de Solesmes. En offrant cette relique aux moines, il accomplissait un geste à la fois familial, spirituel et politique : il renforçait le lien entre la lignée seigneuriale et la communauté monastique, tout en inscrivant Solesmes dans la grande tradition des sanctuaires occidentaux qui conservaient des reliques de la Passion.
Même si les détails historiques précis se sont perdus dans la nuit des siècles, la mémoire de ce don est restée vivante dans la communauté. La Sainte Épine devint rapidement l’un des trésors les plus précieux du monastère, conservée avec une grande vénération et entourée de récits de grâces et de miracles.
La tradition du lundi de Pâques :
Dès le Moyen Âge, une coutume s’établit à Solesmes : la Sainte Épine était exposée solennellement le lundi de Pâques.
Ce choix n’était pas anodin. Le lundi de Pâques est un jour où la joie de la Résurrection se prolonge, mais où l’on contemple encore de très près les événements de la Passion. Vénérer la Sainte Épine ce jour-là, c’était rappeler que la gloire du Christ ressuscité passe par la souffrance offerte par amour.
Cette exposition annuelle devint un événement majeur pour la région. Les fidèles affluaient pour voir la relique, prier devant elle, demander des grâces. La tradition fut si forte qu’elle survécut aux siècles, aux guerres, aux crises, et même à la Révolution : lorsque les moines furent expulsés, trois paroissiens prirent soin de cacher la relique et de la confier à un prêtre clandestin, afin que la tradition puisse renaître un jour.
La Sainte Épine n’est exposée qu’une seule fois par an, toujours le lundi de Pâques, dans une atmosphère de recueillement et de ferveur.
Le lien entre la Sainte Épine et la Mise au Tombeau de 1496:
En 1496, les moines de Solesmes décidèrent d’ériger dans leur église un ensemble monumental représentant la Mise au Tombeau du Christ.
Ce choix était directement lié à la Sainte Épine.
Chaque année, lors de l’exposition du lundi de Pâques, la relique attirait une foule considérable. Les moines souhaitaient offrir un cadre liturgique et artistique digne de cette vénération. La Mise au Tombeau, avec ses statues grandeur nature, ses expressions poignantes, son réalisme spirituel, devait servir d’écrin à la relique.
L’ensemble sculpté permettait aux fidèles de contempler, en un seul regard, la Passion et la mort du Christ, tandis que la Sainte Épine rappelait concrètement la souffrance endurée.
La relique et le monument formaient un tout : la pierre parlait aux yeux, la relique parlait au cœur.
Ce chef d’œuvre, aujourd’hui mondialement connu, est donc né d’un geste de dévotion : magnifier la Sainte Épine et aider les fidèles à entrer plus profondément dans le mystère pascal.
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